RDC : seulement 7% de postes décisionnels sont confiés aux femmes journalistes dans les médias de Beni
1 mars 2022En ville de Beni, à l’Est de la RDC, le nombre de femmes journalistes est cinq fois plus petit que celui des hommes. En plus de cet écart important en termes de statistiques, les femmes journalistes sont quasi absentes dans des postes de prise des décisions que ce soit dans des chaines de télévision, dans la presse écrite, tout comme dans les radios. Des postes de management aux postes éditoriaux et de gestion des desks, des femmes peinent à s’y retrouver. Cela ne facilite pas du tout la promotion du leadership féminin dans les médias et viole les principes du genre ainsi que la notion de l’égalité des chances pourtant garantie dans les différents instruments juridiques de la RDC ou ratifiés par celle-ci. Si les gestionnaires et promoteurs des médias devraient appliquer la loi sur la parité dans la désignation des animateurs des postes de décision, les femmes journalistes doivent mériter la confiance de leur hiérarchie. Un vrai défi à relever pour que la parité soit une réalité dans le paysage médiatique de la région.
Jusqu’en novembre 2021, la ville de Beni comptait 18 organes de presse et autour de 115 professionnels journalistes. Seulement une vingtaine sont des femmes, à en croire le Rapport du Réseau des Journalistes d’Investigation autour des Agressions des Femmes Journalistes, REJIAFJ de novembre 2021. Dans ce paysage médiatique où les hommes sont majoritaires, les femmes sont quasi-absentes dans les postes décisionnels dans les médias. Seulement deux femmes occupent le poste de directrice des radios. Une seule est directrice des programmes et deux autres, des rédactrices en chef. Autrement dit, seulement 7% des postes de responsabilité dans les medias de cette ville sont occupés par les femmes journalistes.
Ce tableau vient confirmer les données des entités rurales, voisines à Beni. En territoire de Beni, aucune radio sur la trentaine n’est dirigée par une femme ; une seule femme est rédactrice en chef et aucune n’est responsable de la Direction des programmes. La situation est encore pire dans le territoire de Lubero où sur une quarantaine de radio, aucune femme ne figure dans un quelconque poste décisionnel. Pendant ce temps, à Butembo, seulement deux radios sur une cinquantaine ont des femmes dans leurs postes de direction.
Ces clichés sexistes
Les avis sont partagés au sujet de la cause cette sous représentativité des femmes dans les postes décisionnels. D’un côté, on accuse les stéréotypes sexistes de nature sociologique imprimés sur les femmes dans la région. Des perceptions du genre « la femme ne peut pas diriger là où l’homme est présent », « la femme est un être subordonné à l’homme », sont encore d’application dans la région.
Jonas Kasereka est journaliste et directeur de la Radio Arche de l’Aliance émettant à ville de Beni. Il explique que cette situation peut aussi être causée par le simple fait que les femmes sont minoritaires dans ce secteur.
« D’abord, je pense que cela est dû au fait que les femmes sont quasiment absentes sur la scène médiatiques. Il y a des organes de presse où il n’existe aucune femme journaliste. Ensuite, le fait que c’est des postes de nomination et l’accès par voie de vote peut être à la base de cette situation. Du coup, les femmes sont peu favorisées à cause des stéréotypes qui leur privent abusivement la capacité de diriger là où les hommes sont majoritaires», commente-t-il. Jonas argumente que c’est aussi important d’accorder aux femmes journalistes les mêmes chances et opportunités que pour les hommes. Abondant dans le même sens, Nikson Mukirania, un autre journaliste de renom dans la ville de Beni, soutient que cette façon de procéder est susceptible de permettre aux femmes journalistes de prouver de quoi elles sont capables afin de mériter la confiance des employeurs. Cet avis est partagé par
A l’Union Nationale de la Presse du Congo, UNPC Section de Beni est d’accord que les femmes journalistes doivent forger l’admiration par leurs prestations afin de mériter de droit toute la confiance de leurs confrères et des promoteurs des médias.
« Au nom de la méritocratie, je pense que les femmes doivent travailler réellement sans complexe ni complaisance pour espérer assumer des postes de responsabilité dans les rédactions. Comme tout le monde, elles doivent faire preuve de bravoure et prouver de quoi elles sont capables pour mériter » lance Erick Kawa, secrétaire de l’UNPC.
De son côté, Jinnah Ivogha journaliste à la Radio Liberté Beni, certaines femmes ont même peur des responsabilités suite à la sous-estimation. D’autres responsables des médias, détenteurs du pouvoir cherchent à en abuser en exigeant des faveurs sexuelles en contrepartie des promotions.
« C’est ainsi que certaines femmes journalistes n’acceptent pas de céder à des demandes et exigences aux tendances sexuelles en échange d’une promotion. C’est un autre aspect qui explique cette minorité des femmes à la texte des medias dans la région », explique-t-il
Prendre conscience des conséquences
L’association des Femmes des Médias pour la Paix et le Développement (FMPD) est consciente des effets de la sous-représentativité des femmes dans les medias et dans les postes de responsabilité.
Justine Masika, membre de cette structure, confie que les femmes des médias font face à d’énormes défis liés non seulement au leadership féminin, à leur protection mais aussi à leur sexe. Elle explique que, d’une part, ces femmes sont confrontées des harcèlements sexuels de la part de leurs employeurs. D’où elles peinent à être persévérantes dans le métier. D’autre part, elles n’ont pas accès aux mêmes opportunités et aux mêmes chances. Justine parle d’une « situation très inquiétante » dans la lutte pour une société égalitaire.
Madame Brigitte est experte en genre et membre du Collectif des femmes pour le développement intégral et la consolidation de la paix (COFEDIP). Elle regrette que le monde médiatique actuel soit orienté vers les intérêts et la vocation individuels. Selon elle, la perception précédente de la femme dans les milieux publics a négativement influencé sa participation aux espaces publics et de prise de décision.
« Cette perception négative de la femme comme non actrice publique a également un impact dans le secteur de média en ville de Beni où la femme continue d’être considérée comme incapable de tenir face aux difficultés et goulots d’étranglement dans les médias. Pourtant construire une société égalitaire entre les hommes et les femmes passe à travers tous les secteurs de la vie, y compris le secteur des médias », conscientise Madame Brigitte qui appelle les promoteurs des médias à contribuer à la construction d’un monde égalitaire en confiant aux femmes des postes décisionnels.
La loi sur la parité en République Démocratique du Congo stipule que les femmes et les hommes ont tous les mêmes droits tels que l’égalité des chances, l’accès équitable aux opportunités, etc.
Mme Brigitte conclue que la parité c’est la représentation chiffré c’est à dire si la direction d’une radio est composée de 4 personnes, au nom de la parité on doit avoir 2 hommes et 2 femmes chacun selon ses capacités. Toutefois, elle nuance qu’il n’est pas question de promouvoir une femme juste parce que qu’elle est femme mais plutôt parce qu’elle est compétente d’assumer tel ou tel autre fonction.
Anderson Shada Djuma
Cet article a été produit dans le cadre du projet « pour la protection des femmes journalistes en RD. Congo » du collectif des femmes journalistes avec l’appui de l’UNESCO.