Nord-Kivu : La triste réalité des radios de Lubero autour des indicateurs de promotion du Genre

7 mars 2022 Par cfj 0
En territoire de Lubero dans le Nord-Kivu, les indicateurs de la promotion du genre sont alarmants. Des efforts sont entrepris par des organisations socioprofessionnelles pour essayer de faire bouger les lignes. Malgré l’organisation des campagnes de sensibilisation par   le Collectif de Radios Communautaires au Nord-Kivu (CORACON), le Collectif de Femmes Journalistes (CFJ), Le Réseau de Média pour le Développement (REMED) et d’autres partenaires nationaux et internationaux, la situation du Genre dans les médias en territoire de Lubero est loin de s’améliorer. Si dans certaines radios communautaires, les données numériques des femmes interpellent, dans d’autres par contre, c’est la représentativité des femmes dans les postes de prise des décisions qui inquiète.
Cette triste réalité vient confirmer les données de l’enquête de l’Union Congolaise des Femmes des Médias (UCOFEM) publiée en 2019 et qui a révélé que les femmes constituent  32% des effectifs du secteur médiatique en RDC. La même année, une étude menée par le Réseau de Médias de Lubero (REMELU) a permis de comprendre l’ampleur de la problématique de la promotion du Genre dans le paysage médiatique avec seulement 40 femmes journalistes sur un total de 200 individus repartis dans une quarantaine de radios communautaires en territoire de Lubero.

Prendre conscience de la réalité

En marge de la célébration de la journée internationale de la femme en 2020, le Collectif des Radios et Télévisions Communautaires du Nord-Kivu (Coracon) avait appelé les parties prenantes à prendre conscience de la problématique Genre dans le paysage médiatique en province du Nord-Kivu.
« Nous encourageons les responsables des médias à prêter attention à cette question et de recruter plus les femmes. Personnellement, j’ai rencontré des femmes journalistes courageuses qui ont montré leurs capacités comme celle des hommes. Pour autant dire qu’il n’y a rien à avancer comme raison de ne pas prendre des filles dans des médias », avait fait savoir le Coracon.
Si certains responsables des médias n’arrivent pas à s’accommoder à cet appel, d’autres par contre ne perçoivent pas l’impact que représente cette réalité triste réalité de manque de promotion du Genre dans leurs médias.
Halisi Kakule Mapendo, Directeur de la Radio Rurale Kanyabayonga dans la partie Sud du territoire de Lubero, avance par exemple le manque d’intérêt des femmes vis-à-vis du métier.
« Nous avons la volonté d’engager des femmes au sein de nos radios mais dans des zones rurales comme les nôtres, elles s’intéressent moins à la radio. Je pense que c’est lié à la réalité sociale du milieu…», commente-t-il.
Le Directeur de la Radio Rurale de Kanyabayonga relate que, dans le milieu, la réalité est telle que ce sont les hommes qui sont habitués à parler dans des réunions et que cela est à la base des perceptions et considérations négatives que la communauté colle aux femmes.
« C’est une mauvaise perception du genre que nous devons décourager. Souvent les femmes du milieu s’intéressent à la médecine, l’enseignement et le commerce. Elles sont moins nombreuses, celles qui imaginent qu’elles peuvent parler à la radio en tant que journalistes mais aussi en tant qu’intervenantes dans des émissions radiophoniques », poursuit-t-il.
Asaph Litimire, Coordonnateur du Réseau de Médias de Lubero (REMELU) et Vice-président de l’Union Nationale de la Presse du Congo sous-section de Lubero analyse lui-même que la promotion du genre, l’égalité-genre, l’équité-genre sont loin d’avoir des indicateurs positivement impressionnant dans les radios de Lubero.
« …ça demande beaucoup d’efforts et du temps pour améliorer la situation. Mais le plus important c’est aussi et surtout faire participer le peu des journalistes femmes présentes dans les organes de presse dans la prise de décision », estime-t-il.
Il pense par ailleurs que les quelques efforts déjà fournis par certains responsables des médias sont à capitaliser afin d’émuler la promotion du genre.

Des efforts certes, mais pas encore significatifs

Depuis le début mai 2020, Halisi Kakule Mapendo a engagé une femme au sein de sa radio. Ainsi sa radio a-t-elle compté deux femmes journalistes au total s’il faut ajouter l’ancienne qui était déjà présente dans le média depuis 2008. Mais celle-ci est restée maintenue au poste de « réceptionniste »   Entre-temps, 6 journalistes hommes constituent l’équipe rédactionnelle de cette radio émettant depuis Kanyabayonga.
Jean Maliro, Directeur de la Radio Communautaire Lubero Sud (Rcls), se réjouit que sa maison de presse compte en son sein deux femmes journalistes.
« Mes meilleures journalistes en kiswahili sont des femmes. Elles présentent des journaux en langues et participent activement à la récolte des données sur le terrain. Elles aident aussi le desk français. Il n’y en avait pas autant avant, donc je considère ceci comme un effort, même si c’est encore insignifiant ».
Asaph Litimire pense que les différents responsables des médias doivent inscrire cette question sur la liste de leurs priorités.
« Promouvoir le genre dans les médias, c’est aussi travailler sur l’équité ; cela veut dire donner la chance à tout le monde. Si un homme peut être Rédacteur en Chef, Chef des programmes, voire même Directeur, il en est autant pour une femme. Si on comprend les choses de ce point de vue alors on sera en train d’aider ces femmes à aller de l’avant », indique-t-il.

Des actions à entreprendre à tout prix

Promouvoir le genre dans les médias est une démarche qui demande en amont l’implémentation de certaines actions. Particulièrement dans les zones en conflit comme le territoire de Lubero, il est important de faire participer la femme dans le processus de la recherche de la paix. Et la Radio joue un très grand rôle dans ce contexte.
« Les femmes étant les premières victimes des conflits, elles doivent apprendre d’elles-mêmes à chercher les solutions, à s’adresser aux hommes et à faire entendre leurs voix en vue de contribuer au processus de paix. Les oublier dans les médias, c’est les exclure, d’ne certaine mesure, dans ce processus… », explique Rose Kahambu Tuombeane, Directrice du Collectif des Femmes Journalistes (CFJ).
Elle insiste sur le fait que les journalistes hommes doivent à leur niveau fournir l’effort de changer leurs perceptions, leurs comportements, les considérations négatives qu’ils ont vis-à-vis de la femme journaliste. Aux femmes journalistes, Rose Tuombeane recommande aussi le changement de leurs perceptions vis-à-vis d’elles-mêmes.
« Elles doivent savoir et prendre conscience de leurs capacités, aptitudes. Elles doivent comprendre qu’elles peuvent faire ce que leurs confrères font, d’ailleurs plus. Les femmes journalistes de chez nous devraient comprendre qu’elles peuvent briller comme les autres journalistes femmes de renommée internationale. Cela leur permettra d’encourager les autres à embrasser la carrière et ainsi le genre sera en train d’être promu, comme le recommandent plusieurs textes », indique l’initiatrice du CFJ.

Cet article a été produit par les journalistes membres du REJIAFJ en territoire de Lubero, dans le cadre du projet « pour la protection des femmes journalistes en RD. Congo » du Collectif des femmes journalistes,CFJ avec l’appui de l’UNESCO

Partagez ce contenu de CFJ avec vos amis et connaissances
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •