Sécurité des femmes journalistes : Peut-on compter sur la réponse du maire policier de Beni ?

Le Maire policier de Beni a réagi positivement au plaidoyer du Réseau des Journalistes d’Investigation autour des Agressions contre les Femmes Journalistes (REJIAFJ) au sujet des menaces et atteintes aux femmes journalistes dans la ville de Beni. Le 20 décembre 2021, le REJIAFJ avait déposé une note de plaidoyer sur la problématique de la protection des femmes journalistes pendant l’Etat de siège. Sa réaction positive au plaidoyer pourrait-elle faire bouger les lignes ? La réponse peut être affirmative à la condition que le suivi soit fait auprès des services chargés d’exécuter l’instruction de monsieur le Maire. Sur trois recommandations, le Maire a répondu à une seule, soit 33% de réalisation.

Le 17 février 2022, le Maire de Beni, le Commissaire Supérieur Principal MUTEBA KASHALE Narcisse, Maire de la ville de Beni pendant l’Etat de siège a écrit administrativement a Collectif des Femmes Journalistes.  Avec comme objet « Les menaces contre les Femmes Journalistes, Accusé de réception », le Maire a pris acte du plaidoyer mené par le Réseau des Journalistes d’Investigation autour des Agressions contre les Femmes Journalistes (REJIAF Noyau de Beni).

« J’accuse réception de votre note de plaidoyer du 20 décembre 2021…et vous en remercie », peut-on lire dans l’introduction de cette correspondance.

Le REIAFJ a d’ores et déjà noté cette réaction du Maire de Beni, garant de la sécurité et la protection des citoyens sur l’ensemble de l’entité sous sa responsabilité.

« Nous avons été positivement marqués par cet accusé de réception. C’est une marque de considération et cela montre le degré de l’attention que le Maire accorde à nos préoccupations. Nous lui avons demandé certaines choses pratiques. C’est bon comme réaction, mais les actions concrètes sont mieux que les correspondances », commente Jérémie Kyaswekera, qui coordonne le REJIAFJ au niveau stratégique.

En plus de prendre acte du plaidoyer, le Maire KASHALA Narcisse a précisé que cette action a attiré son attention.

« …le contenu de votre note ayant retenu particulièrement mon attention, je vous promet de veiller dans la mesure du possible à la liberté et protection des femmes journalistes dans l’exercice de leur fonction en cette période de l’état de siège dans la ville de Beni », écrit le Maire Narcisse.

Trois chefs de services sont mis en copie de cette missive adressée au CFJ. Il s’agit de l’Auditeur Militaire de Garnison de Beni-Beni, le Directeur provincial Adjoint Résident de l’ANR/S-D/Beni ainsi que le Commandant de la Police Nationale Congolaise /Ville de Beni

« …j’instruis à tous les services de sécurité qui me lisent en copie de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer votre sécurité », enjoint le patron de la sécurité à Beni.

Le problème

La correspondance du Maire de Beni est parvenue au CFJ près de deux mois après que la note de plaidoyer avait été déposée auprès de cette instance de prise des décisions. Dans ladite note de plaidoyer, le REJIAFJ avait évoqué un problème réel de sécurité auquel font faces les femmes journalistes de la ville de Beni durant l’état de siège.

En effet, le REJIAFJ avait démontré que depuis le début de l’Etat de siège, les différentes structures de défense de la liberté de la presse ont documenté plusieurs cas d’atteinte contre la liberté des journalistes en ville de Beni et environs. Comme cas typique, la note de plaidoyer a avancé la situation compliquée à laquelle a été confrontée la journaliste femme journaliste Promesse Kombi de la Radio la Voix de Université Officielle de Semuliki. Cette femme journaliste a été victime d’une incursion, à son domicile, d’un groupe d’hommes en armes qui ont emporté ses moyens matériels et financiers.

« …ils ont emporté tous ses matériels de travail et tenter de l’enlever cette même nuit au moment où la ville est pourtant sous couvre-feu et aucune intervenue n’est jamais arrivée. Plusieurs autres femmes journalistes subissent des agressions, des intimidations,… des menaces surtout aux heures vespérales en provenance de leur lieu de service. Le REJIAFJ a documenté 15 cas de menaces contre les femmes et hommes journalistes depuis l’Etat de siège. Ces actes sont commis par des inconnus et parfois par des hommes en uniforme», avait écrit le REJIAFJ dans sa note de plaidoyer.

Le REJIAFJ avait notamment demandé au Maire un certain nombre d’actions attendues de lui et qui sont dans ses compétences ainsi que celles de ses services techniques spécialisés.

« Nous avions recommandé au Maire et ses services de faire la cartographie et la localisation des médias et des femmes journalistes en vue d’avoir le maximum d’information sur elles et agir avec promptitude en cas de menace sécuritaire. Nous attendions de lui aussi d’instruire les services de sécurité afin qu’ils mettent en place des mesures spéciales pour protéger les femmes journalistes. C’est ce qu’il a fait du moins jusqu’ici. Nous lui avions aussi demandé de rendre disponible aux services de sécurité une ligne verte (numéro vert) spéciale par laquelle les journalistes peuvent demander assistance en cas d’agressions ou de menaces sécuritaires », rappelle Jérémie Kyaswekera, coordonnateur du REJIAFJ.

La bonne volonté du Maire de Beni est saluée par certains journalistes de Beni. Cependant, d’autres pensent que le Maire devrait mettre en application toutes les recommandations lui adressées dans la note de plaidoyer du REJIAFJ.

« C’est nous qui avions mené ce plaidoyer. Nous savions pertinemment que le Maire allait mettre en pratique l’ensemble des recommandations. Leur application ne demande pas trop de moyens, juste de la volonté. J’estime qu’il va le faire pour notre bien ou alors, c’est ce qu’il a dit par instruire les services… », commente Régine Okango, point focal adjoint du REJIAFJ Beni.

Ce plaidoyer du REJIAFJ fait partie d’un arsenal d’autres actions implémentées en vue d’attirer l’attention de différentes parties prenantes dans la protection et la sécurité des femmes journalistes.

Jack Maliro Katson